Le temps de la cohésion sociale et de l’intégration économique : des banques culturelles aux muséo-banques solidaires

Des banques culturelles africaines aux muséo-banques ici et maintenant

Ce dispositif est celui de l’insertion économique et de la cohésion sociale. Il se concrétise par une série d’expérimentations autour des « muséo-banques ». L’objectif est de permettre à des porteurs de projets de micro-entreprises à concrétiser leur projet tout en valorisant les singularités de leur trajectoire individuelle inscrite dans un territoire.

Notre point de départ est une expérience africaine initiée, il y a une vingtaine d’années, dans 4 pays d’Afrique de l’Ouest (Mali, Bénin, Togo, Guinée) où les « banques culturelles » ont fait la preuve de leur efficacité tant du point de vue économique que du point de vue patrimonial. Totalement en prise avec la culture et la vie quotidienne des populations locales, ces banques et musées d’un nouveau genre se sont révélés être les lieux privilégiés du dialogue intercommunautaire et de la transmission des connaissances et des savoir-faire. Nous voulons donc « traduire » un projet africain en réalités françaises et faire de ce travail d’adaptation l’occasion d’engager, non pas un dialogue nord-sud ou sud-nord, mais simplement un dialogue à égale dignité entre partenaires fabricant un projet commun.

Pour mémoire : Les Banques culturelles africaines sont des structures associatives liant activités muséales, activités économiques et activités sociales dans un espace comprenant un musée, un centre de micro-crédit et un centre de formation. Initialement créées au Mali pour lutter contre le pillage et le trafic illicite des biens culturels qui sévissaient dans certaines régions du pays, les banques culturelles sont devenues de véritables structures de conservation et de promotion du patrimoine culturel, adaptées au contexte africain, et des centres d’aide à la création d’entreprises génératrices de revenus.

 

Polliniser la relation culture-économie

Principes fondateurs

Cette approche allie culture et développement et met en valeur le lien entre mémoire, patrimoine et projet, ancré dans un territoire et ouvert sur le monde via un Réseau international des valeurs culturelles solidaires (REVACS) dont le siège est au musée Théodore Monod, à Dakar.

Les muséo-banques placent l’humain au centre de l’économie. Le porteur de projet d’entreprise est auteur et passeur de savoirs et d’histoire et le développement économique est indissociable de la valorisation de la culture.

Elles participent de l’Économie Sociale et Solidaire et créent de la « valeur » en donnant à la culture un rôle primordial.

Elles créent des formes de développement soutenable. En prise sur les histoires personnelles et collectives, elles contribuent à une meilleure compréhension réciproque, et à la réduction des inégalités et à la cohésion sociale.

Elles interrogent les concepts de musée et de banque et inventent de nouvelles interactions culturelles et économiques avec les territoires.

 

Principes de fonctionnement

Le statut du porteur de projet : le triptyque objet – récit – projet entrepreneurial en vue d’obtenir un microcrédit

Un porteur de projet dépose dans « l’espace musée » un bien culturel qui lui tient à cœur : un objet, un savoir-faire, une histoire, une musique. Ce dépôt, assorti de son récit et de la genèse du projet d’entreprise, sert de garantie à un micro-crédit consenti pour le développement du projet. Le porteur de projet est considéré comme « auteur ».

Le mode d’évaluation

Ce n’est pas la valeur monétaire ou esthétique de l’objet déposé qui détermine le montant du prêt, mais la valeur symbolique et culturelle du triptyque constitué de l’objet-récit, du projet d’entreprise et du micro-crédit.

Un accès largement ouvert à la société

La muséo-banque aide ceux qui ne sont pas éligibles à un prêt bancaire à participer à la vie sociale et économique de la cité en restant au plus près de leur histoire de vie. Elle est un musée en train de se faire, sorte de coupe d’une société et d’un territoire à un instant donné.

Une source de dialogue et d’échange

En prise avec la culture et la vie quotidienne des populations locales, elle est un lieu privilégié de dialogue social ainsi que de transmission des connaissances et des savoir-faire. Elle est aussi un lieu où s’engrange et se bâtit un patrimoine commun en envisageant de nouveaux possibles autrement que sur le mode de la quantité et du besoin de consommer toujours plus.

 

Banque culturelle Taneka à Copargo. Photo : Alphalik

Vitrine de la Galerie des dons © Photo : Anne Volery, Palais de la Porte Dorée

Les composantes d’une muséo-banque

Un espace Atelier 

Les premières ébauches du projet entrepreneurial se dessinent parallèlement aux premières ébauches du projet muséal : recherches avec le porteur de projet des outils les plus à même de montrer et partager avec d’autres une histoire de vie, une préoccupation sociale, environnementale ou patrimoniale, et d’intégrer un projet d’entreprise dans l’espace et les pratiques du territoire.

Un espace Musée 

Pour prendre son sens, il faut que l’objet gagé soit « exposé », c’est-à-dire visible et montré, accessible à tous dans un musée d’un nouveau genre, un musée du quotidien, un musée de projets, un musée en flux. Y sont accueillis, présentés et mis en valeur ensemble l’objet et son récit, et le projet entrepreneurial… Y sont recueillies les réactions et suggestions des visiteurs et organisés des événements conçus avec les porteurs de projet. Y sont engrangées les archives des récits d’objets (site Internet dédié)

Un espace Gouvernance

S’y dessinent les contours de nouvelles formes d’économie. La valeur du bien culturel déposé dans l’Espace musée sert de garantie au prêt personnel consenti par Maisons de la sagesse -Traduire pour poser les premières pierres du projet entrepreneurial et le rendre, dans un second temps, éligible à un micro-crédit.

Le pari est le suivant : en associant valeurs culturelles et valeurs économiques dans une même enveloppe, on limite le risque de marchandisation des valeurs culturelles véhiculées par l’ensemble des biens déposés. C’est dans cet espace que sont déterminés le montant et les conditions du prêt, et défini l’accompagnement à la création d’entreprise.
Dans un premier temps, la structure de coordination d’une muséo-banque, pilotée par MdS-Traduire, est constituée d’un Comité d’accueil des projets (questions juridiques, économiques et financières), d’un Comité d’accueil et de valorisation des objets et des récits et d’un Comité de gestion de la trésorerie.

MdS-Traduire coordonne les travaux de recherche-action avec les universités, les laboratoires de recherche, les écoles d’art et les organisations professionnelles et municipales.

 

Une muséo-banque en Plaine Commune ?

Ce sont les diverses instances qui composent la gouvernance d’une Banque culturelle qui décident de l’attribution des prêts au vu de ce qu’elles considèrent comme les priorités de développement de leur territoire.

L’état d’avancement du chantier français sera présenté le 4 novembre au Campus Condorcet (Grand Établissement Documentaire) dans le cadre des Rendez-vous Condorcet dans l’exposition expérimentale Une muséo-banque en Plaine Commune, et soumis à l’évaluation des visiteurs (efficacité des outils de présentation et de partage, réflexion sur la nature de possibles archives).

Il s’appuie sur trois projets portés par des habitants du territoire présentés, proposant à chaque fois un objet emblématique, un récit, un projet d’entreprise.

 

Campus Condorcet. Le Grand Équipement Documentaire. Photo : Campus Condorcet